Jamais un pape n’aura autant parlé de… chaussures ! Et jamais autant d’encre n’aura coulé pour une paire de godasses noires ‒ dont je ne sais d’ailleurs pas la marque ‒, godasses qui tranchent si violemment avec l’élégant vermillon des chaussons papaux qu’on aura vite fait d’accuser François de se chausser de démagogie… et pire, de déraper par faute de goût !
« Le Royaume pour une paire de chaussure ! » N’est-ce qu’une question de semelle, d’élasthanne et de simili-cuire ? Ce premier fioretti nous vient d’Argentine où le jésuite Bergoglio est Supérieur d’une communauté de scolastiques (Ref : Nouveau Dictionnaire de Jésuiterie en tout genre, « scolastique » : « jésuite en formation, à la suite de ses premiers vœux de religion. Usage péjoratif : Bébéjez.»)
Il faut imaginer un François plus jeune : des cheveux en plus, arborant soutane et casquette, cigarette au bec… Voici un Jorge droit comme la justice, planté devant son scolasticat. Il guette ses jeunes pousses de retour de leur après-midi de travail social (dans le jargon, on dira plutôt : apostolat). Ils arrivent en rang. Ils pointent pour l’inspection. Les yeux du maître fixent d’abord le sol… puis remontent du pied à la tête. On part de la base, toujours. « Vous êtes sûrs que vous y êtes vraiment descendus ? Je ne vois pas de boue sur vos chaussures ? »…
L’histoire ne dit pas si les gadoue-mètres ont fini par être installés à la guérite de sécurité de la Place Saint-Pierre. Mais le pape continue à ferrailler pour le lobby des chaussures boueuses : « Chaussez vos crampons ! Entrez dans le match… Vous n’êtes pas là pour rester sur la touche. » Les derniers JMJistes s’en souviennent : l’Eglise doit être une communauté de mouilleurs de maillots !
Ce qui inspire le pape ? La contemplation du visage du Christ ? Peut-être, mais alors, à travers le mouchoir de Véronique : un portrait peint avec la sueur et la boue. Ou serait-ce que, quand il regarde Jésus, François commence aussi par les pieds. Et à quoi ressemblent-elles ces saintes sandales ?
Elles sont de la couleur du sable et de la terre, de la vie glanée le long de son chemin : grandes bouffes, mariages… Elles sont ces moutons de « poussière » que l’on sauve du dessous de ses semelles : souvenir de rencontres et du pari de l’accueil.
En son Sacré-Cœur, ou plutôt de ses Sacrés-Pieds, nous devenons des reliques d’amitié, des atomes de mémoire transportés dans une même Ascension. Des particules de nous-mêmes nous attendent dans le Royaume.
Une fois passé le gadoue-mètre de Saint Pierre, sapés comme J-C, nous arriverons ainsi aux Noces éternelles, vêtus de tuniques de grand prix : des tabliers façon patchwork, éclaboussés taches de gras, de sauces, de repas partagés, de bière… signes de tant de fêtes, d’after-party, de match de foot avec des gens simples. Bref, l’Incarnation, round 2…
Cédric est Mauricien. Il étudie la théologie à Paris. Guitariste à ses heures, fan inconditionnel de Liverpool et néo-converti à l’OM (à cause d’une mission de deux ans à Marseille). Amateur de cuisine asiatique.