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Giovanni Francesco Romanelli, saint Jean et saint Pierre au tombeau, vers 1640, Los Angeles County Museum of Art (LACMA)

L’évangile de Jean fait le récit du matin de la résurrection sous le regard de Pierre et de l’autre disciple. 

« Il vit et il crut ». Tels sont les mots de Jean l’évangéliste pour exprimer ce qu’il se passe lorsque le disciple que Jésus aimait entre dans le tombeau vide.

Les commentateurs de cet évangile évoquent souvent la nécessité de passer d’un voir à un croire. Dans ce passage, il s’agirait d’abandonner le visible pour rejoindre le registre de la foi. Il y aurait une opposition entre les deux attitudes, en s’appuyant notamment sur la béatitude de Jn 20,29 adressée à Thomas : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». En ce temps pascal, nous faudrait-il abandonner toute considération pour la vue ? 

Pourtant, dans ce même évangile, Jésus dit à Philippe « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9) : la vue est ici prise au sérieux. Et dans le passage qui nous intéresse, Pierre est entré dans le tombeau et son observation n’a conduit qu’à constater l’absence du corps. Que se passe-t-il donc avec l’autre disciple ? Les deux ont vu mais un seul a cru. Il y a peut-être une piste à chercher du côté de la manière de voir qui les distingue.

Sans doute, la répétition de la périphrase « le disciple que Jésus aimait » n’est pas anodine (cette expression revient à six reprises dans le quatrième évangile). Il y a quelque chose de la relation de Jésus avec ce disciple qui lui donne de voir autrement. Cette capacité de voir autrement est liée à la relation entre eux : je reconnais parce que j’aime et que je suis aimé.

Une autre caractéristique de cette manière de voir, c’est qu’elle est capable de contempler l’absence. C’est en voyant l’absence du corps de Jésus que l’autre disciple avance dans sa foi. Cette expérience peut rappeler ce que Charles Péguy dit de l’espérance : « [elle] voit ce qui n’est pas encore et qui sera ». Ici, seuls sont présents les signes de la passion mais le disciple parvient à la fois à les recevoir pleinement et à les dépasser dans l’espérance qu’ils manifestent.

Dans l’articulation entre voir et croire, il est enfin significatif que cette expérience personnelle de voir et croire se partage avec Pierre puis les autres disciples. Le texte n’en dit rien, mais on peut imaginer ce qu’a été le retour de Pierre et son compagnon jusqu’au cénacle. D’une manière ou d’une autre, cette expérience a été transmise, en s’appuyant une fois de plus sur une relation interpersonnelle.

Cette expérience des deux disciples au tombeau nous ouvre donc à une nouvelle manière de voir, ou plutôt à une nouvelle manière de croire. Croire, c’est être en mesure de voir autrement. Laisser notre relation au Christ renouveler notre regard sur ce qui nous entoure, mais aussi voir ce qui n’est pas encore tout en appréciant pleinement ce qui est. Ce voir intimement lié au croire doit alors passer d’un niveau individuel à une résonance avec d’autre.

Ce passage nous laisse avec cette question : qu’est-ce que le mystère pascal vient transformer dans ma manière de regarder ce qui m’entoure ?

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