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Aujourd’hui 16 juin, le calendrier liturgique fait coïncider la fête de saint Jean-François Régis (1597-1641), prêtre jésuite canonisé en 1737, et la solennité du Sacré-Cœur. Cette circonstance est l’occasion de tracer un trait d’union entre les deux sanctuaires que continue d’animer la Compagnie de Jésus en France : celui de Régis à Lalouvesc et celui de Claude de la Colombière à Paray-le-Monial. Surtout, elle est l’occasion d’entrer en profondeur dans la mystique qui habitait ce saint hors norme, dont on ne conserve quasiment aucun écrit (il les détruisit tous avant ses dernières missions) mais qui reste une figure majeure du catholicisme français.

Toute la vie de Régis fut placée sous le signe du Sacré-Cœur

Homme de réconciliation, il sut habiter une époque de conflit et de division avec une tendresse désarmante, jusque pour ses assaillants. Ce grand homme avait reçu le don de parler aux petits, les plus proches du Royaume comme le souligne la parabole de l’évangile de Matthieu lu le jour de la fête du Sacré-Coeur. Alors qu’il rêve de partir au Canada, ses supérieurs le destinent en France. Dans les campagnes de la région du Puy, du Forez et du Vivarais, il luttera contre la désagrégation de l’Eglise et la perte du sentiment religieux suite aux guerres de religion. Comme son patron François d’Assise, sa mission consistera à « réparer l’Eglise » du Christ. Dans des campagnes dévastées qui se sont éloignées de la pratique, il réconcilie les populations avec les sacrements et la foi catholique. Pour cela, il sait approcher, amadouer, persuader et bientôt convaincre. Au beau milieu de l’hiver, propice à la rencontre des laboureurs alors loin des champs, il visite les demeures les plus éloignées, comme ce village de Lalouvesc où il laissa la vie le 31 décembre 1640 et qui abrite aujourd’hui son sanctuaire.

Idéal du prêtre « réformé » (au sens de la réforme de vie, de la conversion intérieure), c’est-à-dire formé et comprenant ce qu’il célèbre, Régis ne se contente cependant pas d’administrer les sacrements. Il dialogue, enseigne, catéchise les enfants, récolte des fonds pour les collèges jésuites de la région et s’engage concrètement dans des luttes sociales, comme auprès des dentellières du Puy, contrainte par un arrêt du roi de cesser leurs activités et jetées par là même dans la prostitution. Régis les soutient, réorganise leur travail et les arrache à ce trafic, s’attirant la colère des proxénètes. 

Cet aller-retour entre les sacrements et le service, la liturgie et la diaconie, est un trait caractéristique de la mission de Régis. C’est aussi la manière dont les jésuites, à la suite d’Ignace de Loyola, comprennent la mission : une approche de l’être humain qui n’exclut a priori aucun domaine susceptible d’aider les âmes à se rapprocher de leur Créateur. Cette approche a tout à voir avec la spiritualité du Sacré-Cœur qui se développera quelques années plus tard. Les Exercices spirituels sont une expérience du cœur de Dieu qui conduisent l’exercitant au cœur du monde. Un cœur de Dieu approché et connu depuis le pardon, la miséricorde, comme lorsque Ignace nous invite à contempler le Christ en croix ; un cœur entièrement tourné, déversé vers ses frères. Surtout, un cœur connu à sa bonté, c’est à dire à partir d’une expérience de consolation plus profonde que toute autre motion.

Cette consolation est la marque d’un amour créateur qui imprègne toute la création et nous inscrit dans un dynamisme. Dans ce mouvement, les sacrements ont un rôle primordial, inévitable et irremplaçable, mais ne suffisent pas. La diversité des missions de la Compagnie s’inscrit dans ce grand mouvement eucharistique qui consiste à porter mais aussi à découvrir, célébrer et accompagner cette vie de Dieu au sein de toute la création : au-delà des missions de pastorale et d’accompagnement spirituel, c’est pourquoi les jésuites sont aussi présents dans l’éducation, la recherche, le travail social, le dialogue interreligieux, la culture, la protection de la maison commune, etc …

Cette approche s’enracine dans les Exercices spirituels. Là où leur spiritualité est présente, la mission se vit selon ces harmoniques, comme dans le cadre des semaines jésuites qui s’organiseront cet été. Prions pour que le charisme des Exercices et de la Compagnie de Jésus entrent toujours davantage en consonance profonde avec la dévotion au Sacré-Cœur, pour que des hommes et des femmes brûlés comme Régis par le cœur de Dieu en témoignent en acte auprès de leurs frères et soeurs.

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